Les Arctic Monkeys ont embarqué le public français sur leur planète !

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Catégorie Les Arts au soleil

La série de concerts français du quatuor britannique avec leur album « Humbug » a remporté un franc succès.

Les bords de mer ont beau être selon Julien Doré « des posters où rien ne bronche », ils varient selon les latitudes. Alors que la ville de Nice, après le défilé national des Miss françaises, recevait, la semaine dernière, une autre manifestation fortement demandée, les « Enfoirés » qui ont amusé un public de la région au bord de « la crise de nerf », c’est un tout autre spectacle que l’ouest du sud-est français a vécu. À Marseille d’abord le Cabaret Aléatoire n’avait pas autant résonné depuis un moment. Les coupables de ce remue- ménage musical répondaient aux noms de : The Last, Splash Macadam !, The Dodoz et I Am Un Chien !!! Ces 4 groupes régionaux et nationaux de genres assez différents n’avaient qu’une chose éminemment importante en commun : l’énergie communicante avec le public. Entre de longues balances, des groupes aux émouvants airs d’Hard Rockers, la seule touche de féminité des Dodoz dans ce monde de rock masculin a été acclamée ainsi que l’arrivée surprise du chanteur des « Stuck In Sound » pour soutenir son chien de frère d’I Am Un Chien !!! .

Et puis surtout, ce 31 janvier où les britanniques des Arctic Monkeys sont venus exceptionnellement dans le sud après le succès du chanteur Alex Turner en échappée solitaire au sein des Last Shadows Puppets et plus récemment avec leur dernier album « Humbug » ovationné par la critique. Avant le phénomène scénique anglais, Mystery Jets a la lourde tâche d’occuper en premier les lieux. Le groupe quasiment inconnu dans l’hexagone mais qui remporte tout de même un succès outre manche avec son 3ème album, a pourtant au Zénith de Montpellier, son petit lot de fans qui acclament leur dernier single « Hard Feel In Love With Elisabeth. »

La 1ère partie est toujours chose difficile surtout avec une tête d’affiche aussi attendue. Malgré le petit nombre de spectateurs déjà convertis, le guitariste du groupe londonien va chercher le public, le conquiert grâce à son français irréprochable ou lui insufflant le rythme jusqu’au bout de ses doigts. « Two Doors Down » fait déjà sautiller les foules et beaucoup se sentent bercer par la voix perçante de Blaine Harrison. À coup sûr, le public montpelliérain surexcité se souviendra des « Mystery Jets. »

Que ce soit devant ou derrière le rideau, ça frétille et ça piétine d’impatience! Le caractère unique et donc exceptionnel du concert doit y être pour quelque chose. Même si l’impatience est à son paroxysme, l’assemblée semble à la fois choquée et ravie à la vue de l’espace scénique des Singes/Arctic Monkeys britanniques. Adieu les salles sombres et classiques de concert de rock ! La scène nue et immaculée n’est parsemée que par quelques bouquets de lumières tournantes qui promettent de beaux jeux lumineux dignes du cinéma. Au centre, contrastant avec le fond livide, Alex Turner a le beau rôle dans son blouson de cuir, ses comparses étant légèrement en retrait sur la scène. Une fois la surprise de l’ouverture de rideau passée, que reste-il à faire au groupe ? À crier un « Bienvenue en France » auquel la foule a répondu par un hurlement et le premier Pogo de la soirée à l’écoute des premières notes de « Brainstorm. ».

Cette excitation de la foule, où chacun cherche son mètre carré de survie dans ce parterre humain, dure tant que les chansons des anciens albums résonnent. Y aurait-il un reproche à faire à ce show que les Fans trouvent déjà parfait ? Le style vestimentaire peut -être, un brin étrange pour l’ensemble du groupe. Si Jamie Cook à la guitare et Nick O’Malley à la basse ont délaissé leur sweat d’adolescent pour des chemises plus strictes et des chaussures vernies, la palme revient au chanteur que ses fans osent même interpeller d’un « Alex ! Va chez le coiffeur ! » Il est vrai que l’esthétisme et la propreté du set list contrastent avec la propreté des cheveux du chanteur ! À l’image du clip de « Brainstorm », le groupe alterne, alors, pleine lumière et clair obscur ; tubes dandinants et nouveautés pour calmer un peu la folie musicale comme « Cornestone ». Les non initiés trouveront-ils quelque chose à redire au spectacle ? Musicalement, le groupe est irréprochable : la voix claire et juste d’Alex Turner, les accords de guitare en mesure et le rythme non entêtant nous rappellent qu’un travail sans mixage est possible. Si le groupe est connu pour ses talents musicaux, il est également très populaire pour sa prestance et c’est peut -être là que le bât blesse.

Malgré le charisme gigantesque du chanteur compositeur et la maîtrise instrumentale du quatuor, le spectacle est propre, joli, riche musicalement mais peut être trop en retenu. Beaucoup ont traité le leader de groupe de « génie ». Le jeune garçon de 24 ans n’en reste pas moins terriblement timide. Est-ce là la raison de la sagesse de son comportement sur scène ? Pas sûr. Le groupe a gagné grâce à ses 3 albums beaucoup de confiance en soi mais a beaucoup perdu de la fraîcheur de ses débuts. Ils font leur job, un point c’est tout. Tout est peut-être dans le clip et le titre « Crying Lightning » dont les paroles sont vite reprises par le public. La chanson n’électrise certes pas la foule mais la fédère. La version de la chanson filmée et réalisée par Richard Ayaode où le jeune groupe voguait dans une mer jusqu’à ce que leur avatar gigantesque sorte majestueusement des eaux était à l’image du dernier album : complexe et un brin mégalomaniaque. Le résultat sur scène est un peu semblable : magistral avec la solennité du jeu et aussi ambitieux par les écrans géants lumineux des 2 côtés de la scène où chaque musicien a droit à son gros plan. Le public passe d’une ambiance tiède des nouvelles chansons à une agitation folle des anciens succès.

L’ambiance est si chaude et chaotique qu’elle laisse l’ingénieur du son pantois et étonné sur le côté de scène. Cela n’était rien face à l’apothéose qui se préparait. L’air devient suffoquant sitôt que « When The Sun Gœs » retentit et se refroidit avec « Secret Door ». Et alors qu’apparaissent des nuages virtuels qui laissent rêveurs certains et que le groupe vocalise sur la fin du morceau, le rythme percutant vient tout à coup réveiller les spectateurs qui étonnés et ravis s’émerveillent des confettis blancs et dorés qui explosent sur la foule. Après un final aussi spectaculaire et inattendu, le public en redemande évidemment encore. Les musiciens reviennent après s’être longtemps fait réclamer pour un unique rappel sur « Fluorescent Adolescent » tantôt presque acoustique, tantôt rock. Alex Turner, oubliant sa veste noire en coulisses, a l’air d’un adolescent transpirant sur scène plutôt que d’une rock star applaudissant le public « best audience ». Est-ce là le secret du mystère ? Le groupe hybride est-il à l’image de son leader qui, dans un silence, après le couplet de « When The Sun Gœs », s’étonne et se réjouit du succès de ses compositions reprises par des fans en délire ?

Les chansons des rockers anglais les plus populaires du moment différent non pas par les caprices de son auteur mais par l’évolution, la croissance du groupe mis si tôt sous les projecteurs. Le groupe devant une foule en délire se portant et se poussant a déjà tout d’un grand et mythique groupe et a sans doute encore à se familiariser avec ses nouvelles compositions afin de mieux gérer l’espace scénique. Pour sa part, le public du Sud Est de la France, souvent cherchant une chaussure orpheline, s’éloigne encore abasourdi par ce spectacle si inhabituel.

Après la France et l’Espagne, le groupe se produira en Allemagne et en Angleterre pour un concert au bénéfice de la lutte contre le cancer des adolescents avec Depeche Mode et…. Noël Gallagher pour sa première scène en solitaire avant d’entamer une tournée aux Etats-Unis.