Nice aujourd’hui, Nice demain, Nice après-demain

Catégorie Les paradoxales

Le billet d’humour... noir et d’humeur de Franck Saissi. Prémonitoire aussi.




2017. La ville est devenue une porcherie. La Promenade des Anglais est défigurée par les déchets qui s'accumulent sur les plages, autour des poubelles. Partout des boites vides de frites, canettes, emballages et sacs plastiques, cartons de pizzas, jusque sur le Mont Boron, devenu une décharge à ciel ouvert. 


Les yachts de luxe des trafiquants de drogue se font plus rares sur le port. Ces gens-là n'aiment pas trop la saleté. Même les Niçois en ont ras le bol : des merdes de caniches et de spitz sur les trottoirs, passe encore, mais des emballages de Mac-Do, c'en est trop. Certains demandent un plan « vigipoubelle ». De coller des amendes aux éco-délinquants et des TIG pour nettoyer les rues. De faire un reportage Nice-Matin qui suivrait quelques jeteurs de mégots en train de faire le ménage. 


Le mot serait passé comme une traînée de poudre. Personne n'a envie de lâcher de la thune, encore moins de se taper la latche pour une boite de frites. À l'époque, les pouvoirs publics avaient mis en place un réseau inextricable de caméras de vidéo-surveillance : on pouvait étaler sa merde filmée en temps réel, mais la priorité c'était le Big Data, ficher le troupeau, tracer les terroristes potentiels.  Biopolitique de rigueur.

2037. Les rues sont tellement encombrées par les ordures que les voitures ont du mal à se frayer un chemin. On fait circuler des chasse-neige le matin. Au prétexte que les déchets se coincent sous les voitures, qu'elles les déplacent et contribuent à leur expansion, on fait payer des taxes aux automobilistes qui n'ont pas acheté de voiture équipée d'étrave en acier inoxydable, aux normes européennes. 


Les rats sont ressortis des égouts et vivent parmi les hommes. On en fait même commerce sur le cours Saleya et ailleurs en ville, grillés dans une part de socca façon galette saucisse. Lorsqu'il est question de nettoyer la ville de fond en comble, d'éradiquer les rongeurs, des associations s'insurgent et manifestent car depuis la suppression des aides sociales, beaucoup n'ont plus que du rat à manger.

2057. La ville est totalement engloutie sous les ordures. Vue d'avion, on ne voit plus que quelques immeubles dépasser : la coupole de l’Église russe et le dernier étage du Régina, occupés par les élus, ravitaillés par hélicoptère. 


Pour survivre aux maladies et à l'odeur, les Niçois ont creusés des galeries souterraines grâce au tunnelier du tramway, abandonné sur place quelques décennies plus tôt. Sous terre, ils ont reconstruit leurs indispensables centres commerciaux et se servent d'ascenseurs pour acheminer les ordures qu'ils produisent jusqu'à la surface.La vie reprenait son cours.

NICE 2067 ?


Franck Saissi texte et illustration