Nitrates : la France bientôt à l’amende.

Un dossier ancien et mal géré.

La France vient d’être condamnée par la Cour européenne de justice qui a jugé qu’elle n’avait pas adopté toutes les mesures nécessaires concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles. Jugement qui fait suite aux constatations faites et aux remarques formulées dans un premier temps par la Commission ad hoc.


- marée verte dans le nord Finistère, 2009 dans la laisse de mer, 
la couche d’algues peut atteindre plusieurs dizaines de cm d’épaisseur  
photo © Thesupermat -

Ségolène Royal, ministre de l'Ecologie, et Stéphane Le Foll, ministre de l'Agriculture, ont pris acte de la condamnation, s’efforçant néanmoins de minimiser expliquant que « la plupart des sujets soulevés dans le jugement de la Cour ont déjà été corrigés dans le nouveau dispositif », et que des discussions sont engagées avec la Commission « sur certains points sensibles ».

Il s'agit de la deuxième condamnation pour mauvaise application de la directive nitrates, la première datant de juin 2012. Si la France ne répond pas assez rapidement aux attentes de la Commission, de nouvelles condamnations seront prononcées qui se chiffreront alors en dizaines de millions €.

Les principaux griefs de la Commission concernent les périodes minimales pendant lesquelles l'épandage des divers types de fertilisants est interdit ; l'absence de règles contraignantes, comportant des critères clairs, précis et objectifs concernant le calcul des capacités de stockage d'effluents d'élevage ; l’autorisation de stockage au champ du fumier compact pailleux, pour une durée de 10 mois.

Sont aussi dénoncés l'absence de règles permettant aux agriculteurs et aux autorités de contrôle de calculer de manière exacte la quantité d'azote pouvant être épandue afin de garantir une fertilisation équilibrée. De même les valeurs de rejet d'azote prévues par la circulaire du 15 mai 2003 pour les vaches laitières, les autres bovins, les porcins, la volaille, les ovins, les caprins, les équins et les lapins avaient été calculées sur le fondement de quantités d'azote excrété par les animaux inexactes... Autre point conflictuel : la France ne dispose pas de règles satisfaisantes, comportant des critères clairs, précis et objectifs, relatif aux conditions d'épandage de fertilisants sur les sols en forte pente.

Enfin, la Commission reproche l'absence de règles interdisant l'épandage de tout type de fertilisants sur les sols gelés ou couverts de neige alors qu'un tel épandage comporte des risques importants de ruissellement et de lessivage.

Pour l'association Eau et rivières de Bretagne « Cette nouvelle condamnation n'est évidemment pas une surprise, tant les gouvernements successifs ont tellement tergiversé et fui leurs responsabilités, pour ne pas déplaire à la FNSEA ». Et de mettre en avant les signes de ce laisser-aller notamment par l'abandon des captages pollués et les marées de plus en plus...vertes. Les responsables de l’association sont d’autant plus furieux et frustrés que tout ceci a un coût (dépollution, amendes...) alors qu’il est selon eux possible de mettre en place une politique agricole respectueuse de l'environnement et d’ajouter que « des milliers d'exploitations en font déjà la démonstration ! ». Ils invitent aussi le gouvernement à taxer les engrais chimiques azotés, utiliser les aides de la politique agricole commune pour encourager les pratiques agricoles à basses fuites d'azote, renforcer et mieux contrôler et sanctionner la réglementation préventive des pollutions dans les zones vulnérables.

À l’autre bout, la FNSEA, les Jeunes agriculteurs, l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture et Coop de France, se plaignent « de la multiplication des contrôles, de décisions inadaptées, de jugements biaisés, empilement de mesures incompréhensibles et inapplicables, voilà désormais le quotidien des agriculteurs ». Ils souhaitent la mise à plat du dossier. Ce dernier message semble avoir été entendu par le Premier ministre qui, lors d’un récent déplacement en Gironde, a annoncé que son gouvernement souhaite lancer de nouvelles études scientifiques sur le sujet, afin d'appuyer une demande de révision auprès de Bruxelles.

Mais cela ne semble pas pour autant rassurer les porte-paroles d'Europe Ecologie les Verts, Julien Bayou et Sandrine Rousseau. Découragés, malgré les cinq programmes successifs mis en œuvre depuis 1991 et l’augmentation de la pollution des eaux souterraines conduisant à la fermeture de captages de points d’eau devenue non-potable, ils craignent que le « gouvernement cède à la tentation de relâcher les normes ».