« Où sont les héritiers de 1789 ? »

- Tribune libre -

Catégorie Les paradoxales

Rarement un événement n'a ces dernières années suscité autant de réactions. Les médias sont débordés, la blogosphère a perdu la boule. Les résultats sortis des urnes lors de ces élections européennes, ont fait l'effet d'une bombe. Les sondages avaient pourtant indiqué la tendance qui s'est confirmé au delà de toute attente. Pour certains, c'est un électrochoc qui pourrait être salutaire et forcer plusieurs leaders politiques à se regarder devant leur glace... Pour d'autres, c'est proprement catastrophique. Philippe Buerch, président de l'association AGIR a tenu à réagir à chaud sur cet événement qui bouleverse profondément la donne.


« Pendant des décennies, la France n’a jamais été réduite à sa seule influence démographique. Alors que  l’Italie incarnait la puissance de l’Art, la France symbolisait celle des Idées.  Il existait une dimension philosophique universelle dans ce message.

Le pays des Lumières croyait à une domination noble et même orgueilleuse de la pensée. Une civilisation idéale progressivement uniformisée par le partage des plus belles valeurs : citoyenneté, solidarités, respect des diversités, Droits de l’Homme… Cette civilisation, héritière à certains égards d’un christianisme missionnaire, avait un guide : la France.

Dans les temps forts de cette marche, la France avait non seulement la puissance des idées mais aussi  la confiance de la prospérité matérielle jusqu’à exposer encore dernièrement avec fierté ses 30 glorieuses au cours desquelles rien ne lui paraissait impossible.

Depuis le 25 mai 2014, jour d’un scrutin européen observé au plan international, la France a sombré dans  l’auto-contestation des valeurs qu’elle a incarnées pendant deux siècles.

Sur le plan politique, le premier parti n’est plus la citoyenneté mais l’abstention. Le second n’est plus la tolérance mais la radicalisation la plus obscurantiste : le Front National. En un scrutin, la France a perdu la maîtrise des valeurs qu’elle a promues et peut-être même inventées.

Où sont donc les héritiers de 1789 ?

Est-il possible de se résigner à un tel abandon ? C’est un universalisme humilié qui naît le jour d’après. Ce n’est pas seulement la crise d’un Etat, la crise d’une nation toute entière, chaque citoyen ayant renoncé à être l’héritier des plus belles valeurs qu’a engendré l’Histoire de notre pays. Mais c’est aussi un cri de désespoir face au constat du discrédit de la parole politique, et face à l’abaissement de l’autorité de l’Etat. C’est aussi l’échec d’une certaine conception de la politique face à l’incapacité depuis plus de trente ans des partis traditionnels de résoudre les grandes crises : sociales, économiques, morales et politiques.

Ce 25 mai est bien plus qu’un séisme politique majeur ; il est le signe d’une crise des valeurs qui est le résultat de la non-exemplarité de certains hommes politique et de 30 ans d’une parole publique souvent malmenée, voire bafouée.

Chacun d’entre nous doit faire face à ses responsabilités et relevé le défi. C’est cette responsabilité qui ne doit pas être celle de l’abandon ou de la division toujours plus profonde mais celle de  l’engagement. Cet engagement en faveur de l’humanisme, de la participation citoyenne doit s’éveiller dès à présent sans attendre demain.

Il ne doit plus y avoir de 25 mai.

La démocratie française avait déjà eu de la peine à expliquer un 21 avril. Ce 25 mai est de trop. Aujourd’hui, être révolutionnaire, c’est ne pas banaliser le 25 mai. Une nouvelle Bastille est à reconquérir, celle de la considération que notre pays doit donner de lui-même. Cette Bastille là mérite la mobilisation de chacun, sans renier ses valeurs mais en étant profondément attaché à celles majeures que les prochaines 30 années doivent mettre à l’honneur : exemplarité du politique, respect de l’autorité de l’Etat et défense des valeurs humanistes des siècles passés.

Cette mobilisation, il est temps que nous l’engagions avec la force au cœur et le cœur en tête et désormais faire de la politique autrement, avec comme seul et unique objectif : celui de servir l’intérêt général et non l’intérêt individuel.

Je vous remercie et vous appelle solennellement à y participer ensemble le plus activement possible. »


Philippe Buerch
Président d’AGIR.