La dette souveraine :

le point de vue d’un spécialiste.

Catégorie Les paradoxales

Steve Lebaud, gérant associé de « Stratégie Finance » basée en Suisse livre ici son analyse :


« Nous parlons souvent de la crise des dettes souveraines mais l’endettement n’est pas le seul privilège des États. Quand un pays se trouve en difficulté, ce n’est uniquement lié à la mauvaise gestion des gouvernements mais également lié aux comportements de leurs ménages et de leurs entreprises. Les dettes souveraines des pays sont souvent l’arbre qui cache la ou les forêts.

En moyenne, dans les pays ayant des économies matures, la dette souveraine atteint 100% du PIB alors que les ménages et les entreprises cumulent à plus de 239 % (77%, 82% et 80% pour les ménages, les entreprises non financières et les institutions financières respectivement).

En analysant ces chiffres de plus près, certaines contre-vérités peuvent apparaître. Les États-Unis, au même titre que l’Allemagne, l’Australie et le Canada font partie des bons élèves car leurs endettements globaux sont inférieurs de 20% à la moyenne des pays matures. Parmi les mauvais élèves, l’Irlande détient le record toute catégorie avec un endettement global supérieur de 95% et le Royaume-Uni est au même niveau que le Japon avec un endettement supérieur de 50% à la moyenne. L’Espagne, le Portugal, la France et l’Italie sont eux dans la moyenne. On peut noter que la Grèce, sans l’endettement de l’État, figurerait dans la liste des bons élèves…

Le problème de la Grèce n’est pas sa dette totale (seulement 267% du PIB contre 339% en moyenne) mais la peur des investisseurs de ne pas être remboursés face aux difficultés du pays à lever l’impôt. Quand on parle de dette, tout est une question de confiance des marchés et l’équilibre reste fragile.

À l’échelle mondiale, les dettes des ménages, des entreprises et des États représentent presque  80% des actifs financiers de la planète. En se plaçant de l’autre côté de la barrière, ces dettes représentent 80% de l’épargne financière de la planète. Ces dettes gigantesques, tout le monde en détient. Ce sont principalement nos fonds de retraites et nos contrats d’assurance-vie.

D’une manière indirecte, il s’agit aussi des liquidités présentes sur vos comptes bancaires, nos livrets bancaires et réglementés mais aussi de la trésorerie des entreprises. C’est un jeu à somme nulle, il y a autant de débiteurs que d’épargnants. Tout le monde en a et tout investisseur prudent en raffole.

Depuis de nombreuses années et dans un contexte de taux d’intérêt toujours plus bas, les dettes des entreprises et des États semblent fonctionner comme de gigantesques chaînes de Ponzi. Les nouvelles dettes toujours plus nombreuses servent à rembourser les anciennes.

Pour rappel, Bernard Madoff payait les intérêts des premiers épargnants avec les versements des nouveaux entrants toujours plus nombreux… Lors de la crise de 2008, quand les flux de sorties ont été plus importants que les flux entrants des nouveaux déposants, la supercherie s’est arrêtée et les épargnants ont été ruinés.

Le jour où les États et les entreprises n’arriveront plus à rembourser leurs dettes avec de nouvelles, que se passera-t-il ? Les retraités, les titulaires des assurances-vie et les déposants des banques seront à leur tour en difficulté.  »


Steve Lebaud
Stratégie Finance