La Napoule : les Vinofolies 2012 de l’Étage...

Le concept qui a fait ses preuves durant toute la saison dernière reprend du service avec Mathieu Négret du Domaine du Mas de Cadenet. Commentaire éclairé signé par le sommelier de l’Oasis, Pascal Paulze :

- Stéphane Raimbault et Pascal Paulze avec leurs invités, Mathieu Négret et son épouse -


Les « Vinofolies de L’Étage » reprennent leur rythme mensuel. C’est avec Mathieu Négrel du Domaine du Mas de Cadenet que nous avons débuté cette session 2012. Un domaine familial situé à Trets, au pied de la montagne Sainte-Victoire, un secteur viticole protégé par des massifs montagneux au nord (Sainte-Victoire) comme au sud (les Monts Aurélien et Sainte-Baume), soumis à une influence semi-continentale, cette partie du vignoble provençal est plus propice au Syrah, Grenache, Cabernet-Sauvignon et Cinsault plutôt qu’au Mourvèdre ou au Tibouren.  Un climat un peu plus frais permet aussi des maturations lentes et on y pratique les vendanges de mi-septembre à début octobre selon les années. Des sols pauvres formés de calcaire et de grès et une pluviométrie des plus faibles en font un secteur singulier.

Une singularité que Guy Negrel, le père de Mathieu a défendu pendant de longues années jusqu’à obtenir de l’INAO que l’on reconnaisse ce terroir par une mention « Sainte-Victoire » ajoutée à « Côte de Provence ». Sous cette impulsion, d’autres zones comme « Fréjus » et « La Londe » suivront.

Pour présenter son domaine, Mathieu a choisi de montrer deux déclinaisons, d’abord sur ses rosés par deux approches bien différentes, ensuite avec une cuvée en rouge sur deux millésimes. Une proposition qui nous a mené, le Chef et moi-même a une réflexion. En effet, pour suivre le cheminement du vigneron, une déclinaison était bienvenue et une déclinaison de deux produits nous renverrait vers l’idée de présentation des vins.  Alors, ce fut la rencontre de « Rex » avec les gambas. Rex du Poitou, c’est « le » lapin qu’il faut goûter.  Vous le retrouverez un peu plus tard dans la soirée.   

Nous avons débuté, en guise d’apéritif, par le rosé Mas de Cadenet 2011, un vin élaboré par pressurage direct après une longue maturation, une robe claire, un nez expressif et charmeur, alors que la mise en bouteille a eu lieu il y a un mois seulement.  Des arômes de fruits et d’agrumes que l’on retrouve en bouche avec une pointe épicée « gingembre » et une bonne tension laissant une fin de bouche un rien amère – amertume noble expression de la minéralité qui porte la bouche. 

Après cette introduction, on découvrait la cuvée rosé Mas Negrel Cadenet 2010, une cuvée élaborée sur un assemblage de Grenache, Cinsault et Syrah, à partir de rendements de 30 hectolitres par hectare, issu de parcelles de vieilles vignes. Vinifié en fûts « façon bourguignonne », ce vin apporte la réponse à de grands accords de gastronomie.  Novateur il y a plus de 15 ans, il est aujourd’hui une référence du style. Un vin dense, complexe, qui associe aux fruits rouges des notes d’épices, avec un volume intense en bouche.  Du corps et de la longueur, il lui fallait un alibi car c’est vraiment un vin de table. Nous l’avons accompagné d’un persillé de lapin, épaule de Rex du Poitou, carotte, orange, parfumé de coriandre et gingembre, servi avec une vinaigrette tranchée d’une Américaine de gambas. 

Pour suivre, le premier vin rouge était le Mas Negrel Cadenet 2008, millésime assez frais qui a permis d’obtenir des maturités tardives. Résultat : un vin plein de parfums de garrigue, des notes poivrées et toujours un support de fruits noirs. Sa structure est vive mais les tanins sont fins, alors ce fut le râble du lapin cuisiné en « Fassum », choux farci braisé au vin blanc et bouillon de gambas, qui apporta du gras pour envelopper cette structure encore ferme.

Arrivée rapidement l’envie de comparer avec cette cuvée sur un vieux millésime, 1999 se présentait à nous sous son aspect tertiaire et animal.  Il lui fallait 5 à 10 minutes dans le verre pour livrer des arômes de fruits séchés, de cuir, le tout avec une matière patinée et assouplie par le temps. Un vin auquel Rex a prêté sa cuisse, désossée et lardée de gambas, une cuisson braisée au vin rouge et une sauce fortement marquée par les carapaces du crustacé. Un accord qui emportait les papilles vers l’émotion.   

En point d’orgue de la soirée, la découverte du « vin cuit de Provence » : une vieille tradition aixoise de mout de raisin cuit au feu de bois, puis fermenté. Un vin aux arômes d’orange amère, fruits confits, réglisse-zan et autres notes empyreumatiques. Un vin classique pour les 13 desserts de Provence. Alors, pour respecter les traditions, nous lui avons servi un nougat glacé aux mendiants de Provence.  Un plaisir total car ce vin peu sucré et doté d’un beau support acide a su élever le nougat au rang de la magie, magie du dessert ou magie de l’accord… Ce qui fut bien réel, c’est le niveau des vins de ce domaine. Merci à Mathieu et son épouse !

Pascal Paulze, Chef SommelierRestaurant L’Oasis & Bistrot L’Étage