Le Cannet : Tapis rouge pour Misia,

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Le premier et seul musée de France dédié à Pierre Bonnard reçoit avec les honneurs « Misia » qui accompagna dans leurs recherches artistiques ceux qui firent l’actualité de toute une époque fort propice au développement des arts majeurs. Amie des uns, inspiratrice des autres, égérie, croqueuse d’hommes, faiseuse d’anges selon Cocteau, femme de génie pour Coco Chanel, actrice et fauve réunis comme le percevait Sarah Bernard... La liste est longue de ceux et celles qui ont tiré bénéfice de sa présence et de son soutien. Ce n’est pas pour rien qu’elle fut considérée à la fin du 19ème siècle comme la Reine de Paris.

Le Musée Bonnard au Cannet a coproduit cette exposition avec le Musée d’Orsay. Inaugurée le 13 octobre dernier, elle se prolongera jusqu’au 6 janvier prochain. Comme toutes les autres expositions qui se sont succédées depuis l’ouverture du musée en juin 2011, cette présentation met en scène Pierre Bonnard évidement mais aussi Félix Vallotton, Édouard Vuillard, Marie Laurencin. Comme les précédentes, il ne faut pas la manquer.

 

- La nuque de Misia - Édouard Vuillard - 1897-99 - huile sur carton contrecollé - collection particulière -


L’exposition est séquencée en deux volets. D’une part, « Misia et le cercle de la Revue blanche » qui proposent des œuvres de cette inspiratrice vue par Vallotton dans son quotidien, par Bonnard qui la représente en femme épanouie ou par un Vuillard, amoureux transi de la belle qui en fait son sujet de prédilection. Le second volet, « Misia, Belle Époque, la scène et Coco Chanel » met l’accent sur son influence, à partir des années 1910, sur le monde des arts, des lettres et s’attache à illustrer son amitié avec la célèbre créatrice de mode à travers des correspondances, des photographies et des peintures de Marie Laurencin.

Incontestablement, c’est Édouard Vuillard, subjugué par ses charmes, qui est l’artiste qui a le plus souvent représenté Misia. Il la met en scène dans les actes les plus banals, au cœur d’intérieurs bourgeois intimistes, dans le décor qui lui sied. Le peintre réalise ainsi des portraits lumineux et d’une extrême pudeur qui révèle cet amour secret. Pierre Bonnard, tombe lui aussi sous le charme de sa personnalité et de sa beauté, il la représente en femme accomplie et légèrement arrogante. Ils entretiennent une relation d’amitié et de confiance. Bonnard sera d’ailleurs un des seuls peintres pour lequel elle posera nue. Félix Vallotton n’y va pas par quatre chemins, la peignant à sa coiffeuse ou son bureau, de manière objective, parfois sans fioritures. S’inspirant de la vie de Misia et de ses déboires amoureux, il dresse avec ses Intimités un portrait plutôt sombre de la femme mariée et du couple.

 

- Misia - photo d’Édouard Vuillard - collection particulière -

Remariée avec un magnat de la presse, Alfred Edward, Misia utilise une partie de sa rente à aider les Ballets Russes qui triomphent avec Diaghilev et Nijinski... C’est son troisième mari, le peintre catalan José Maria Sert qui lui ouvre les portes de l’art nouveau. Dans son salon parisien, décoré par Bonnard, elle rassemble le tout Paris de l’art, et joue à faire et défaire les réputations, intervenant peu ou prou sur les destins. Le sien s’étiole bientôt, c’est Coco Chanel qui la veille jusqu’à sa disparition en 1950.

Le catalogue de l’exposition est particulièrement réussi, de nombreuses reproductions de tableaux et des photographies d’époque qui viennent, en noir et blanc, compléter l’éclairage. L’ouvrage de 192 pages (19,5 sur 25,5 cm), a été réalisé sous la direction d’Isabelle Cahn, Conservateur au musée d’Orsay. Les 35 € sont tout à fait justifiés.

Une exposition en chassant une autre, à Misia succéderont d’autres amis de Bonnard réunis pour la circonstance, autour d’un médium prisé par les Nabis comme par les symbolistes : les estampes...  Puis, un autre accrochage fort attendu, qui mettra à nu les Èves qui marquèrent par la lumière de leur corps et leur sensualité l’histoire de l’art de 1880 à 1950... les Nabis toujours mais aussi les Fauves et les cubistes y donneront leur version. Commissaire des expositions et conservateur du Musée : Véronique Serrano qui a mis en place tout un programme d’animations destiné aux adultes, en individuel ou en groupe. D’autres initiatives sont réservées aux scolaires, aux familles et aux enfants, rencontrent un large succès. Une belle dynamique qu’il convient de saluer !


- couverture du catalogue de l'exposition : Misia à la coiffeuse - Félix Vallotton - 1898 - Détrempe au crayon - Paris - Musée d'Orsay -

 

  • Misia, Reine de Paris - jusqu’au 6 janvier 2013 - Musée Bonnard - 16 bd Sadi Carnot 06110 Le Cannet - tél. 04 93 94 06 06 - 7 € / 5 € réduit -