Cannes : le G20 a bien failli se noyer...

Catégorie Les paradoxales

à quelques jours près, c’est sous un déluge d’eau qu’auraient été accueillis les délégations étrangères et les 25 chefs d’États invités à ce rendez-vous.

Nouvel avertissement de la nature qui n’a que faire de nos considérations et notre calendrier. Encore que ceux qui lui prêtent une âme, noteront que, bonne pâte, elle a épargné le Festival de Cannes l’année dernière, laissant aux services municipaux et aux plagistes le temps de réparer à temps les dégâts et de panser les plaies les plus évidentes, permettant à la manifestation de se dérouler sans encombre. Cette fois, la nature a laissé les Grands de ce monde discuter les pieds au sec du destin des peuples. Seules quelques gouttes de pluie sont venues troubler l’atmosphère, empêchant néanmoins le président Obama de pratiquer quelques passes de basketball dans le gymnase mis à disposition par les organisateurs ; une préfiguration des larmes que le vulgum pecus aurait à verser ?

- vous avez dit, béton, loi littoral ?

De Menton à Théoule, de Mandelieu à Grasse, la Côte d’Azur a souffert et on peut se poser quelques questions de simple bon sens. Est-ce le temps qui change ou les hommes qui, en occupant le terrain de façon désordonnée et irresponsable, démultiplient les conséquences qu’ont les… intempéries sur les biens et les personnes ? Des intempéries, qui à l’échelle du… temps ne sont pas forcément si extraordinaires. Même si l’on se projette sur cinquante ans, de nombreux sexagénaires nous diront que, durant leur enfance, ils en ont vu des coups de vent et des coups de mer, des coups de tabac et des coups de labech, rien à voir avec des Coups… d’État ou des coups de pub. Mais, soyons honnêtes, les conséquences étaient d’une bien moindre portée. Et pour cause. Les plagistes démontaient leurs installations (pontons compris), laissant les plages à leur état sauvage (avant qu’on les engraisse les rendant de ce fait… artificielles). Oui, bien sûr, les débarcadères souffraient, les jetées et les quais étaient régulièrement abîmés par des houles trop fortes, des bateaux rompaient leurs amarres, les routes du bord de mer étaient toutes envahies par le sable et les galets… avec la régularité des saisons, un peu plus ou un peu moins d’une année à l’autre ! Faut-il donc s’étonner et crier à chaque fois au feu, dépenser des sommes folles et une énorme énergie, balayées comme fétu de paille par Dame Nature aux équinoxes venus ? Faut-il s’entêter, de dresser contre une force qui nous dépasse ou faire le dos rond, à la recherche de meilleures stratégies ?

La semaine dernière, ce n’est pas seulement le littoral qui a payé un lourd tribut au mauvais temps mais le moyen et le haut pays. Une nouvelle fois, et le plus logiquement du monde, les plaines alluviales de la vallée du Var et de la Siagne, ont été envahies par les eaux. Mais au lieu de rencontrer des terres agricoles, les eaux tumultueuses trouvent sur leur passage de plus en plus de zones industrielles particulièrement vulnérables, des grandes surfaces et des constructions immobilières (petits immeubles et villas). Les uns ont des parkings souterrains, d’autres d’immenses stationnements à l’air libre, bien goudronnés sur lesquels l’eau ne fait que passer. Beaucoup de ces zones ont bien sûr été classées inondables, assorties de nombreuses contraintes. Les autorités locales, qui subissent la pression des propriétaires, se voient ou se croient contraintes de modifier les plans d’urbanisme, répondant à la fois à l’offre et à la demande. Conclusion, ces plaines alluviales ne remplissent plus leur rôle de régulateur des crues. Les travaux entrepris semblent insuffisants et souvent freinés par une administration tatillonne comme le faisaient remarquer quelques maires. Doit-on ainsi s’étonner des drames engendrés par les décisions prises par les hommes, par leur façon empirique de résoudre les crises, crise du logement, du travail de la santé comme de la production agricole ?

Il est un peu facile, nous l'admettons, de faire observer que les générations qui nous ont précédées, ont souvent géré avec plus de précaution et de sagesse que nous leur environnement. C’était le temps des terriens - ces gens qui habitaient et vivaient de la terre - s’adaptant aux réalités climatiques. Les grandes guerres sont passées par là, la révolution industrielle a tout laminé, la mondialisation en a remis une couche et la démographie que nous avons choisie galopante parce qu’elle nous semble la seule issue à la croissance économique source de notre prospérité, nous amène au bord du gouffre.

P.-S. : du côté de l’est du département du Var, on a pu faire le même constat. Les cours d’eau comme la Nartuby, le Reyran et l’Argent ont gonflé et abondamment débordé dans les plaines alluviales du Muy et de Fréjus qui ont eu longtemps une vocation agricole. Elles ont été peu à peu phagocytées par des zones industrielles, des programmes immobiliers. Comme le constataient les quelques agriculteurs, arboriculteurs et floriculteurs restant, les sols sont d’autant plus vite gorgés d’eau que les surfaces susceptibles de l’éponger sont en constantes diminution. Ce changement de vocation n’a pas été suivi par les travaux qui auraient été nécessaires pour réguler ces cours d’eau. Mais jusqu’où peut-on soumettre la nature à nos caprices et à quel prix ?

Alain Dartigues