Nice : l’histoire abracadabrantesque d’une infraction au code de l'urbanisme.

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Dix huit ans de procédures pour une démolition... hors de prix, celle de la Villa Inglès, à l’Est de la ville.

Alors que les services de l'État procèdent à la démolition de la villa Inglès, sise au Cap de Nice, en bordure du sentier du littoral, la lecture de l’historique de cette infraction au code de l’urbanisme est riche d’enseignements.

   
  • le sentier du littoral, au niveau du Palais Maeterlinck, Nice -

Sur la base de permis de construire accordés les 12/06/1987, 2/03/1989, 14/09/1990 et d'une déclaration de travaux acceptée le 13 juillet 1988 devant permettre la réalisation d'une maison d'habitation, des infrastructures destinées à permettre la construction d'un hôtel de 29 chambres sont réalisées, en modifiant sévèrement le terrain naturel. À la suite de l’établissement des 2 procès verbaux par ses services, le Maire de Nice prit le 6/05/1992 un arrêté interruptif de travaux.

Suivent un certain nombre de procédures pénales et de condamnations. Ainsi le jugement contradictoire du TGI de Nice, en date du 3/12/1993, ordonne la mise en conformité des lieux avec le permis de construire et déclaration de travaux délivrés. Il sera suivi d’un autre jugement en date du 02/12/94 se prononçant sur la constitution de parties civiles de la Ville de Nice et de la Copropriété voisine, et ordonnant la mise en conformité des lieux avec les autorisations administratives en cours de validité. Viendront l’arrêt de la Cour d’Appel en date du 27/01/1998 sur les jugements du 3/12/93 et du 2/12/94, qui annule le jugement en date du 2/12/94, évoquant le jugement en date du 3/12/93 et ordonne la mise en conformité des ouvrages et des lieux avec les autorisations administratives en cours de validité, dans un délai de 8 mois sous astreinte de 500 Francs par jour de retard. Puis enfin, l’arrêt de la Cour de Cassation en date du 18 mai 1999 qui conclut au rejet du pourvoi au fond.

Le jugement du TGI de Nice contradictoire en date du 5/11/02 ordonnera bien l’expulsion de la société propriétaire des lieux. Jugement qui est confirmé par un arrêt de la Cour d’Appel contradictoire en date du 23/11/04, ordonnant l’expulsion de la société propriétaire des lieux et la condamnant à payer à l’État Français la somme de 4 000 € et 5000 €. Décision exécutoire dès signification.

Nous voilà rendu le 2/10/2007. C’est à cette date qu’un jugement du Tribunal Administratif de Nice enjoint le Préfet des Alpes Maritimes de faire dresser un procès verbal de contravention de grande-voirie à l’encontre de la société propriétaire des lieux, dans un délai de trois mois. Un procès verbal de contravention sera ainsi dressé le 9 novembre 2007 pour construction d'un mur de soutènement sur le domaine public maritime.

Après avoir constaté la non-exécution de la décision de justice, la ville de Nice mettra en recouvrement les propriétaires de la Villa Inglès. Ces derniers restent en effet redevables envers la ville de Nice du montant des astreintes jusqu'à l'exécution effective du jugement ordonnant la remise en état du site. De même qu'ils seront redevables des frais engagés par l'État pour l'exécution d'office de cette condamnation.

Le coût des travaux est estimé à 190 000 €. Il est intégralement pris en charge par l'État (lire : des contribuables) car, il semble que les contrevenants ne sont pas solvables. Les travaux sont réalisés, sous maîtrise d'ouvrage État par l'entreprise Scoffier qui a été retenue dans le cadre d'un marché public de travaux. La fin des travaux de démolition entrepris est prévue pour le 4 mars 2011.

Cette véritable saga juridique et judiciaire se termine par une victoire à la Pyrrhus. Si l’État de droit obtient raison, c’est parce qu’il a été encouragé à le faire. Au final, cette opération a un coût exorbitant que les 190 000 € sont loin de solder. Espérons que le terrain récupéré pourra être vendu un bon prix.

D’autres histoires rocambolesques du même genre ne sont pas rares sur le littoral méditerranéen, particulièrement entre Menton et Théoule-sur-mer. Citons pour mémoire la Villa du prince Fahd d'Arabie à Golfe Juan, la pointe du Palm Beach de Cannes dont on ne sait pas pour sûr à qui elle appartient, le Port Canto à Cannes aussi, sans parler des nombreuses constructions en dur sur les plages, propriété du domaine public maritime, à priori inconstructible. Heureusement que la « Promenade des Inglès » a été jusque-là épargnée…

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