David Foenkinos - Le potentiel littéraire d’un écrivain :

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Catégorie Les Arts au soleil

Un futur classique.

Il y a de ces écrivains que les Unes des journaux nous poussent à aimer en annonçant « le nouveau Houellbecq » ou titrant sur le supposé « Breat Ellis français ». Il y a d’autres auteurs qu’il faudrait chérir mais qui n’ont pas les honneurs des gros titres. David Fœnkinos est de ces derniers. L’ancien étudiant en lettres de la Sorbonne, à peine remis du « Prix Roger-Nimier » en 2004 pour « Le Potentiel érotique de ma femme » mais bénéficiant d’un lectorat encore confidentiel, avait osé demander en 2007, « Qui se souvient de David Fœnkinos ? » remportant à cette occasion le prix Jean Giono.

 - David Fœnkinos -


Les jurys des prix les plus respectés ont attendu 2010 pour mettre en lumière La Délicatesse en le sélectionnant dans les premières listes du Goncourt, Médicis, Renaudot, Flore et Femina. Cette histoire d’amour contrariée avait attiré un bon nombre de lecteurs rencontrés lors des Festivals du Livre de Nice, Fuveau ou Toulon dont il est un habitué. L’union entre François, homme de finances passionné, et Nathalie, commerciale avide de lectures classiques - Belle du Seigneur, d’Albert Cohen en tête – était digne d’un conte de fée ! Seulement voilà, un matin, François part en ville comme un joggeur du dimanche et finit écrasé par une automobiliste perturbée. La jeune veuve doit alors se reconstruire dans le deuil et les regrets au cœur d’une entreprise où Markus, employé suédois et croisement de Gaston Lagaffe et de l’observateur maladroit et fleur-bleue qu’est Alain Souchon dans ses chansons, jouxte son bureau. Nathalie, nostalgique de son couple qui a volé en éclats, restera-t-elle longtemps insensible au monde extérieur et surtout aux sujets masculins ?

Dans cet univers de retour à la sensualité féminine, David Fœnkinos n’oublie pas les fers de lance habituels de sa littérature tel que le fantasme de la Suisse, le pays idéal selon l’auteur, ou la présence de deux polonais apparus dès son premier ouvrage « Inversion de l’idiotie : de l’influence de deux polonais. » Mais comment faire apparaître ces personnages étonnants dans un récit mélancolique à la tonalité de farce cependant ? Au milieu de l’intrigue parisiano-suédoise, l’auteur se pique de curiosités nous livrant tantôt la composition de la moquette, des précisions sur les allergies aux poissons aussi bien que des extraits du film « Celebrity » de Woody Allen ou les paroles de « L’amour en fuite » qu’Alain Souchon avait écrites pour le film de François Truffaut au même titre, et pour cause.

Les deux réalisateurs sont de réelles sources d’inspiration pour l’écrivain. Ainsi, dosant habilement « l’humour et la profondeur» du fantaisiste américain et la fascination pour « les femmes et la poésie narrative » du réalisateur français, l’auteur dépeint un pays suédois aux clichés délicieux et dépressifs. Ces clichés ne sont pas là pour cloisonner les idées mais le ridicule qui consiste à résumer les choses à un détail peut-être fort risible. C’est sans doute pour cela que l’auteur à lunettes a remporté le Prix des Dunes, attribué par les lycéens de Notre-Dame des Dames de Dunkerque, le consolant en partie de la déception qu’il avait ressentie lors de son éviction du Goncourt des Lycéens.

En attendant le prochain roman gagnant de l’auteur prolixe, David Fœnkinos multiplie les collaborations avec les nouvelles maisons d’édition et collections. C’est le cas des Éditions du Moteur qui, aux premiers mois de leur existence, ont publié Bernard. Le prénom étant pour l’auteur aussi important que l’intrigue par elle-même ; lier les deux était une aubaine annonçant la tonalité et l’ambiance. Bernard, c’est un peu l’histoire du François de la Délicatesse s’il avait survécu, à peu de choses près. Le pauvre Bernard, à la suite d’un adultère avec une Isabelle castratrice, se retrouve obligé d’aller vivre chez ses parents. Quitter le sujet amoureux pour le thème du vieillissement n’aurait pas dû être chose aisée pour l’auteur. Mais le récit n’est pas que l’histoire d’un homme mûr qui se voit affublé par ses parents des plus beaux reproches provoquant en lui une crise d’adolescence retardée. C’est aussi une belle façon de constater l’art de circonscrire l’histoire chez David Fœnkinos tout en ne sacrifiant pas l’intrigue ni la précision du détail. L’intérêt de l’auteur pour la Nouvelle animée n’en est peut-être qu’à ses balbutiements.

L’écrivain prépare un ouvrage pour la prochaine collection des éditions Plon du mois d’octobre. Amanda Sthers précédera David Fœnkinos en se glissant dans la peau d’un personnage célèbre. Si l’auteure de « Keith me » a choisi Liberace, pianiste et showman renommé à Las Vegas, celui du « potentiel érotique de ma femme» a préféré s’attaquer au personnage mythique de John Lennon. Le membre énigmatique, nébuleux des Beatles avait déjà inspiré l’écrivain lors d’une digression dans la « Délicatesse », lui offrant même la paternité de « Berlin », chef d’œuvre de Lou Reed, s’il avait survécu. Entre tous ces projets littéraires, David Fœnkinos aura, tout de même, le temps de rencontrer ses lecteurs, voire ses spectateurs. Yann Samuel envisage, en effet, d’adapter « Nos séparations » au grand écran. L’ouvrage réaliste et cocasse plongera-t-il dans un univers fantaisiste comme celui de Jeux d’enfants ?