Jean Cocteau : Bienvenue dans la « Maison » infernale !

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Catégorie Les Arts au soleil

Un hommage à l’artiste et aux différents métiers qu’il a exercés.

Paris et sa banlieue ont, peut être, le monopole du pouvoir administratif français mais aussi du bitume. Le bassin parisien a su, quand il était encore temps, séduire ce même pouvoir mais aussi les grands noms de l’Histoire culturelle française.

Versailles a fait, à son époque, les bonheurs du Roi Soleil et les terreurs des courtisans dont Nicolas Fouquet emprisonné à Pignerol après la construction de son fastueux château de Vaux-le-Vicomte. Napoléon a aussi marqué le territoire sud parisien en cédant le château de La Malmaison à sa première mais adorée épouse Joséphine de Beauharnais. L’empereur à l’aigle fier est venu faire ses adieux à la vieille garde en 1814 en bas du grand escalier du fer à cheval de Fontainebleau. Les écrivains n’ont pas non plus boudé les poumons de la capitale. Elsa Triolet, Louis Aragon, Stéphane Mallarmé ont installé leurs quartiers dans la région à Saint-Arnoult-en-Yvelines et Vulaines-sur-Seine. Sur cette route historique des Maisons d’écrivains, se dresse évidemment la forteresse quasiment royale d’Alexandre Dumas père qui face à son château de Monte-Cristo venait écrire ses ouvrages dans son domaine de Port-Marly. Mais plutôt que de bâtir des châteaux en province, certains ont des rêves un brin plus simples.

Il existe un petit endroit entre Barbizon, la ville des peintres, et Fontainebleau, un charmant havre de paix pour un des artistes les plus marquants du XXème siècle. Jean Cocteau tomba follement amoureux de Milly-La-Forêt au point d’en décorer entièrement les murs de la Chapelle Saint Blaise un an après les fresques de la chapelle Saint-Pierre de Villefranche. Cet édifice du XIIème siècle, réservé aux lépreux au Moyen-âge venus prier Saint Blaise, leur guérisseur, a reçu comme cadeau du peintre ses intérieurs végétaux, les simples, les plantes médicales. L’artiste connaît depuis 1964 le repos éternel entre ces fleurs dessinées et le chat gardien du « temple » sous la dalle gravée humblement : « Je reste avec vous », laissant la célèbre menthe de Milly du jardin embaumer l’atmosphère.

- La Maison du Bailli… Cocteau -

Mais avant de dormir à tout jamais, le réalisateur a profité pendant plus de 20 ans des plaisirs de la ville verdoyante dans la Maison du Bailli qu’il avait acquise avec Jean Marais.

Les Amis de Jean Cocteau, avec à leur tête le super producteur Pierre Bergé, ont, depuis juin, investi sa demeure pour la métamorphoser en un musée fascinant pour les adeptes de l’artiste ou les néophytes curieux de son œuvre. Mettre l’artiste dans une case est complètement réducteur et quasiment antinomique tant son œuvre a été prolixe et diversifiée. La visite procure une parfaite illustration de sa pluridisciplinarité. Le « Mystère de Jean l’Oiseleur », le Potomak et les clichés du propriétaire, entre souvenirs personnels et archives historiques s’affichent sur les murs avant l’authentique salon de l’artiste. On y retrouve ici et là des petits chevaux de bois, quelques disques de Jazz, une photo d’Einstein, coquin, tirant la langue, le moulage des mains de Jean Marais dont la voix solennelle nous avait glacés dans la chapelle Saint Blaise et surtout une quantité astronomique de livres, reflet de l’obsession artistique du poète. Le voyage dans l’intimité créatrice du propriétaire continue à l’étage avec le bureau et la chambre. Ces lieux de travail intensif sont encore marqués fraîchement du passage de l’auteur, de la craie blanche sur le tableau noir. Ce travail ne cessait, apparemment jamais, puisque jusque dans son lit, un carnet noir l’attendait.

Jean Cocteau, artiste maudit et solitaire ? L'intérieur du musée ne procure pas une telle impression! Pablo Picasso, Edith Piaf, Coco Chanel ou Marcel Proust sont les noms de ses amis proches les plus célèbres et dont il s’était amusé à faire le portrait. Avec un tel carnet d’adresses, il ne fallut pas attendre longtemps avant que les peintres ne s’intéressassent à son profil. Picasso, évidemment, Modigliani, Blanche ou même Andy Warhol ont rendu hommage à la figure du peintre. Certains tableaux sont si méconnus qu’il est presque touchant de se trouver face à eux. Mais avant d’être adulé, Jean Cocteau a fait de son art une œuvre engagée et surréaliste. De ces réalisations de jeunesse pendant la guerre à ces autoportraits sans visage en passant par ces rêves d’opium, le Musée expose des tableaux rares et surprenants. N’oubliant tout de même pas ce qui a permis à l’artiste d’être fixé dans l’histoire culturelle, la collection de la maison diffuse quelques films tels « Les Enfants terribles » avec des documents d’archives et de tournages.

''Sortant de cette atmosphère et contemplant le jardin sauvage, gigantesque, la maison mi-moderne mi-médiévale, une seule envie émerge alors en tête : celle de relire ou de revoir un film de cet artiste total et magistral. Une visite plus fraîche mais qui fait pendant au tout neuf Musée de Menton !''