La dame de Yakimour

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article publié dans le magazine papier Paris Côte d'Azur, en 1997. La Bégum devait décéder en l'an 2000.

La Bégum avait adopté, en se mariant avec l'Aga, sa religion et le sari, qui lui sied à merveille.

Photo Traverso

La générosité de La Bégum Aga Khan pour sa ville d'adoption, n'a pas laissé indifférente la municipalité canetane.

Lors de l'inauguration de la statue réalisée en son honneur, et soutenue par Michèle Tabarot.

Photo Auclaire

Sous l'impulsion de son maire, Michèle Tabarot, elle a décidé de lui rendre hommage. Charles-Louis La Salle a été chargé de réaliser une statue de la princesse en bronze, grandeur nature, qui vient d'être installée dans le jardin des Oliviers, chemin de Villamont. La princesse avait tenu à assister, en personne à l'inauguration.

Comment ne pas profiter de l'occasion pour évoquer en quelques lignes son destin d'exception.

Née à Sète, Yvette Labrousse suit sa famille lorsque celle-ci loue un cinq pièces, au 38, rue d'Antibes, à Cannes. Son père est conducteur de tramways, sa mère couturière. Puis, on la retrouve à Lyon où elle devient Miss, avant d'être élue Miss France et de participer à l'élection de Miss Monde.

Nous sommes en 1930. Sa stature, son élégance, sa simplicité la distinguent. Les casinos de Deauville et de Cannes la réclament.

"Dans les défilés, les dîners, elle déployait une respectabilité de déesse qui donnait du cachet aux tables qu'elle présidait. Elle était une sorte de majesté en vacances, de reine en exil. Elle se trouva ainsi à la table de l'Aga Khan à plusieurs reprises"…

Les trois coups avaient frappé. Elle allait devenir La Bégum, la femme de l'Imam des Ismaéliens dispersés dans une douzaine de pays d'Afrique et d'Asie. (Iran, Irak, Syrie, Kenya, Pakistan, Inde…).

L'Aga Khan est, en effet, le chef spirituel de cette secte de Musulmans, commerçants pour la plupart et qui pratiquent une version tempérée de l'Islam.

Les époux s'installent en 1945 sur les hauteurs du Cannet, dans une villa somptueuse. L'Aga Khan la baptise Yakimour, de Yaki qui est le diminutif du prénom de sa femme et amour…

"Le grand salon ressemble à la cabine d'un avion géant. On y est constamment plongé dans le vide, avec pour fond de décor l'immensité de l'eau".

Elle recevait dans sa villa les autorités officielles, ici avec le préfet et un jeune journaliste qui se prépare à l'interviewer : Fernand Dartigues.

Photo Traverso

Le couple va recevoir sans compter. Le jury du Festival du Film s'y réunira longtemps pour délibérer en paix. Jeune journaliste, Fernand Dartigues y admire les toiles de Boudin, d'Émeric, de Van Dongen et de la princesse elle même qui a fait le portrait et sculpté le buste de son mari. Il rappelle les propos de l'un de ses confrères, très touché par la qualité de cet ensemble : "Cette demeure fait croire aux contes de fées !"

Après le décès de l'Aga Khan, en 1957, La Bégum décide de rester au Cannet où, citoyenne et électrice active, elle s'implique dans des œuvres de bienfaisance. Les enfants et les anciens ont toute son attention.

Le montant des dons qu'elle a fait à la ville dépasse probablement les dix millions de francs…

Le temps a passé. La princesse a gardé son charme, sa gentillesse, sa simplicité, son sourire.

La piscine est toujours limpide, les jardins de Yakimour sont fleuris. Oh temps, suspend ton vol !

Pendant de nombreux festivals, elle recevait ses invités, ici une délégation russe.

Photo A. Traverso

René Allain