Sorties littéraires : de la génération perdue à la génération « pommée » !

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Catégorie Les Arts au soleil

Stop à la crise économique ! Les livres s’intéressent désormais à la vie de jeunes tourmentés.

Les livres par les traders et les essais dits « économiques » se vendent, certes, comme des petits pains mais il semblerait que le monde du livre ait longtemps négligé les principales victimes de cette crise : les concitoyens. C’est chose faite maintenant grâce aux deux écrivains : Keith Gessen et Christophe Rioux, un Américain et un Français qui se penchent tous deux sur les espoirs incertains de leur propre pays via des portraits de ceux qui souffrent le plus de la situation : les jeunes. Or, ces derniers ont été tellement dépeints dans le passé avec habilité que la tâche s’annonce rude.

Jack Kerouac faisait un voyage en « bagnole » de fortune pour découvrir la vie, Mark, Sam et Keith, les héros de Keith Gessen, tentent de se « dépatouiller » dans leur société moderne avec toutes ses obligations. Les temps ont bien changé ! Où est passée l’insouciance de l’époque d’après guerre ? C’est le bilan que proposent « la Fabrique des Jeunes Gens Tristes » et son auteur russo - américain à travers un portrait de l’Amérique des années 90 et 2000.

En ces temps de crise peut-on avoir envie de se confronter à une description réaliste de la société ? Si au départ, on peut se montrer quelque peu réticent, c’est sans compter sur la plume de l’écrivain. Les auteurs américains ont l’art de raconter et de dépeindre des personnages attachants non pas pour leur tristesse et leurs états d’âme mais pour leurs actions maladroites et leurs contradictions. La difficulté de mener à bien sa vie est si grande s’il faut tenir compte de tout : les idéaux, le futur, les sentiments et de l’indémodable question amoureuse.

L’individu au début de sa construction personnelle se trouve alors tout petit face à l’Etat, le monde et la Mondialisation qui régit la planète. Les différentes rencontres de ce roman « chorale », comme le vice-président ou Google, permettent un voyage dans le temps dans le pays de la liberté mais aussi une réflexion sur le pays et sa position dans le monde. La jeunesse intelligente est-elle forcément triste pour son futur incertain ? L’ére « Obama » viendra-t-elle mettre fin à cette mélancolie ?

La France réussit-elle aussi sa peinture des jeunes en crise ? La « Tête de Gondole » de Christophe Rioux essaie l’exploit mais le scepticisme ironique américain laisse place à la mélancolie française dans cette critique, bien égocentrique, sur le système éducatif actuel, mondial et culturel. Victor, agrégé en lettres, démissionne et décide de chercher un travail, il échoue dans le secteur culturel « bazar » d’un supermarché, l’ennui le tuerait bien si une jeune voleuse nocturne n’aiguisait pas sa curiosité… Si l’attente du petit boulot, la course à la rentabilité économique sont assez réalistes, le roman parle plus de l’histoire d’un homme qui mystifie la littérature et a de nombreuses références françaises telles que Diderot ou Tocqueville, faisant de l’ouvrage un véritable hommage à la littérature. Cette dernière est la seule à pouvoir nous sauver ; grâce à la rêverie, il est possible de combattre l’ennui comme dans le film britannique « Cash back »de Sean Ellis. L’ouvrage s’intéresse aussi à la précarité de l’emploi, aux délocalisations, aux rivalités entre collègues et ressemble bien trop souvent à un reportage pour le 20 heures ! Comment oublier cette situation actuelle déprimante avec un texte qui fait souvent penser aux controverses que doit affronter le gouvernement? Un sujet que feu Alain Bashung avait déjà évoqué, avec ironie et amertume, il y a plus de 10 ans dans « Ma petite entreprise ».

La France est-elle devenue trop sérieuse pour évoquer de façon si solennelle le mal de la société ? L’Amérique prend-elle un risque à rire d’un sujet aussi délicat ? Faut-il rire de tout : un sujet qui reste encore à débattre au sein même de la littérature.

  • Keith Gessen, La Fabrique des Jeunes Gens Tristes, Éditions de l’Olivier.
  • Christophe Rioux, Tête de Gondole, Flammarion.