Indgrid Betancourt : la médiatisation dont elle a bénéficiée

a sans doute donné à ses ravisseurs des arguments supplémentaires pour la garder prisonnière.

Catégorie Pieds dans le plat

On ne refait pas l’histoire et il faut, individuellement et collectivement assumer ses choix. Il est hors de ce propos de reprocher aux enfants d’Ingrid Betancourt d’avoir tout tenté pour sauver leur mère, ni à ses proches d’avoir fait jouer leurs relations à tous les niveaux possibles et imaginables. Cela n’a pas marché, cela n’a pas été suffisant et cela a peut-être donné à ses ravisseurs des arguments supplémentaires pour la garder prisonnière le plus longtemps possible, au risque d’entraîner sa mort.

Si ses proches ne sont pas mis en cause dans cette critique amère, par contre certains médias, hommes politiques et hommes publics de toutes tendances confondues, ont usé et abusé de cette magnifique occasion de se montrer, de parader, de prendre la parole, de vendre de l’image ou de vendre du papier. Et chaque fois, ils renforçaient un peu plus les Farc dans leur conviction d’utiliser Ingrid à leur avantage. Chaque fois qu’ils affichaient sa photo, qu’il déployait une bannière, chaque fois qu’ils parlaient d’elle, ils donnaient aussi de l’importance aux terroristes, ils leurs faisaient de la pub… ce que justement, ils recherchaient tant.

Les proches n’ont sans doute pas assez cru à l’efficacité de la diplomatie française. Il est vrai, pour sa défense, qu’elle n’était pas la seule concernée, Ingrid jouissant de la double nationalité franco-colombienne. Il fallait donc y aller prudemment et travailler dans l’ombre. Quoiqu’il en soit, depuis longtemps, Ingrid est devenue une vedette, une martyre dont se servent les Farc.

Les médias, sollicités, ont participé à cette médiatisation excessive d’Ingrid Betancourt avec enthousiasme… et intérêt… Les associations, les hommes politiques, toujours friands de nobles causes à défendre, se sont précipités sur l’occasion qui leur était donnée de partager l’affiche. Qui d’ailleurs n’aurait pas pris fait et cause, qui n’aurait pas signé telle ou telle pétition, serait passé pour un rustre, insensible à la douleur d’une famille, et frappé à ce titre d’indignité…

D’autres prisonniers des Farc ont, enfin, été libérés. Ils avaient attiré moins d’attention sur eux, ils étaient, aux yeux des Farc, « internationalement » moins importants. Ingrid, du moins, je le crois, paye la surmédiatisation dont elle a bénéficiée. Il est trop tard pour faire marche arrière, quoique… un peu de discrétion donnerait plus de chances aux négociateurs, qui travaillent parfois sans grandes marges de sécurité, d’obtenir des résultats.

Chaque fois que les médias décident de donner la vedette à un opprimé, que l’Etat déploie ostensiblement toutes ses forces diplomatiques, médiatiques et structurelles, je m’interroge. Pourquoi, lui, pourquoi elle, alors que tant d’autres sont victimes d’injustices au moins aussi révoltantes ? Parce que cette personne était connue ? Parce qu’elle faisait, en toute connaissance de cause, un métier à risque, un métier qui attire les regards ?

Les inégalités, sous toutes les formes, existent, elles ne sont pas prêtes de disparaître. On ne mettra pas en œuvre les mêmes moyens pour sauver Willy ou John Dœ… On ne vous accordera pas le même traitement… selon que vous soyez… connu ou anonyme… Pourtant, sur cette terre, chaque être est censé avoir la même valeur. Pour Ingrid, ces traitements médiatiques privilégiés n’ont pas donné les résultats escomptés, ils se sont mêmes retournés contre elle.

René Allain

- mention : www.pariscotedazur.fr – mars 2008 -
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