La France est-elle oui ou non réformable ?

Les événements passés tendent à prouver qu'elle ne l'est pas. Le Canada nous montre pourtant la voie à suivre.

Catégorie Les paradoxales

Neuf fois sur dix, les projets de réforme se heurtent à un refus de la part de la population concernée. Par exemple dans le domaine de l'enseignement, de la fonction publique, du travail, de l'immigration ou de la santé… Comment faire pour faire passer un projet de réforme lorsque vous avez plusieurs centaines de milliers de personnes dans la rue ! C'est bien joli de dire que ce n'est pas la rue qui gouverne mais, à moins de faire donner la cavalerie ou les CRS, il serait bien peu raisonnable de ne pas en tenir compte.

Ce qui se passe lorsque le projet concerne le plus grand nombre se passe de la même façon lorsqu'une corporation se sent menacée. Un jour les buralistes, l'autre les urgentistes, le vignerons, les chasseurs,…Le bureau des plaintes déborde. Les syndicats et les partis d'opposition se régalent, plus ça va mal plus on parle d'eux et davantage ils font d'adhérents…Le pire est leur fond de commerce quand ce n'est pas leur Front de commerce !

On a envie de dire : chez nous, la démocratie fonctionne mal ! Ceux qui sont dans une opposition, qui n'est souvent que circonstancielle, en refusent les effets. Le verdict des urnes ne compte plus guère lorsque leurs intérêts sont en cause. L'exemple canadien pourrait pourtant nous inspirer. Alain Juppé devrait nous faire part de ses réflexions sur le sujet… Après une année studieuse au Québec où il a enseigné mais aussi observé, ne peut pas ignorer que le Canada était, il y a seulement 12 ans, le plus mauvais élève des membres du G7. Il est désormais le premier de la classe. Par quel miracle ?


- Alain Juppé en mission à Cannes, en compagnie
du député-maire Bernard Brochand et de David Lisnard
adjoint au tourisme, photo Gilles Traverso -

Plutôt que de parler de miracle, parlons plutôt de courage. Courage politique certes, mais aussi volonté d'un peuple de se sortir d'un mauvais pas. Car, les mesures qui furent prises pour émerger d'une crise "étourdissante", avaient de quoi être impopulaires. Et bien, il n'y eut point de grèves paralysantes, les protestations des syndicats furent de pures formes, … Les réformes passèrent en douceur, la population et les fonctionnaires, premiers concernés, s'adaptèrent de leur plein gré, aux nouvelles règles du jeu. Un jeu qui en valait bien la chandelle !

Dans les années soixante, le dollar canadien valait davantage que le dollar US. Vingt après, il fallait donner un dollar et 25 cents canadien pour avoir un dollar US. Depuis 2002, le phénomène s'est inversé et la valeur du dollar canadien a plus augmenté que celle de toute autre grande monnaie flottante. En 1995, l’ensemble des administrations publiques canadiennes affichaient un déficit de 6 %, dépassant largement la moyenne du G7. Seulement 2 ans plus tard, elles inscrivaient un excédent.

Comprenant l'urgence de la situation, le gouvernement de l'époque prit le risque de mécontenter son électorat et commença par faire des coupes sombres dans le budget des ministères. En commençant par diminuer le salaire et les indemnités des ministres. Un symbole assez fort et inhabituel qui fut bien perçu et qui contribua à faire passer la sauce. En France, les ministres ont tendance à se considérer comme sous payés, comparant fonctions et salaires à ceux du secteur privé. Les Ministères, eux, jugent de leur importance à la grosseur de l'enveloppe qui leur est allouée et qui se doit d'être augmentée systématiquement chaque année…

Le Canada, ce pays de 32 millions d'habitants estimait qu'il avait 45 000 fonctionnaires de trop. Il fallait donc diminuer assez rapidement la masse salariale. Le gouvernement eut l'intelligence de ne pas opérer des coupes systématiques, genre chacun verra son budget diminuer de 10 %. Les réductions se firent au coup par coup, en fonction de la réelle possibilité de faire plus avec moins. Le souci de l'efficacité prévalut. Chaque ministère - y compris le Ministère des armées - chaque fonctionnaire devait justifier des dépenses engagées. Tous les frais, de bouche, de transport, de papeterie, devaient pouvoir être livrés au public et consultés sur Internet. La transparence en leitmotiv, pour mieux faire accepter les restrictions budgétaires ! Et, ça a marché !

Le redressement financier est donc bien dû à cette rigueur budgétaire et monétaire. Il s'est traduit par un taux de croissance qui se maintient aux alentours des 3 % par an alors que l'inflation se situe en dessous de 2 %. Cinq cents mille emplois ont été créés en 2 ans, faisant tomber le taux de chômage à 6,4 %.

Nous sommes, ici, bien loin de compte. Nous apparaissons comme incapables de décoder les chiffres de notre dette et en mesurer les fâcheuses conséquences. Trop abstrait ! Nous continuons à voguer sur un vaisseau, sur un radeau que dis-je, qui tangue dangereusement.

- mention : www.pariscotedazur.fr - mai 2006 -